J'ai froid... si froid...
Mon corps gelé n'osait plus trembler de peur de se briser.
La neige m'entourait comme un linceul et les arbres au dessus de ma tête
formaient le couvercle de mon cercueil. Mon cœur battait fébrilement, tentant
de combattre l'épuisement et mon cerveau engourdi m'envoyait vainement des
signaux de détresse. Les étoiles ricanaient dans le ciel noir qui m'encerclait
et la Lune n'était pas là pour me rassurer.
La nuit entière était devenue ma tombe.
La Mort dansait autour de moi, sa longue faux traçant des
lignes mortelles autour de mon corps immobile, m'emprisonnant dans l'effroyable
attente du trépas.
Mais je préférais mourir plutôt que te pardonner.
Orgueil morbide m'interdisant la clémence, j'étais prête à
sacrifier ma vie plutôt que de lâcher la vengeance qui me rongeait depuis des
mois. J'avais perdu le combat face à toi, tout comme j'avais perdu le combat
face à l'Amour et la Haine...
Je t'aime. Je te hais.
Je te pardonne. Je t'en veux.
Je refusais à mon cœur le droit de t'offrir la grâce de
t'excuser de tes erreurs, tout comme je lui refusais le droit de te haïr encore
pour ce que tu m'avais fait.
Sauf que tu m'avais vaincue. Et que cela te donnait le droit
de vie et de mort sur ma personne puisque c'est ainsi que l'affrontement s'était
scellé. Je gagnais, tu disparaissais à jamais de mon existence. Je perdais, tu
m'arrachais à ma condition humaine pour me plonger dans l'esclavage.
Quel marché affreux...
Lorsque nous étions en train de nous déchirées comme des
lionnes, j'ai songé au gouffre qui allait m'engloutir si tu partais à nouveau,
j'ai songé à ta cruelle absence qui m'avait détruite ces six derniers mois,
j'ai songé à l'oppressante solitude, j'ai songé à ton impérissable souvenir,
j'ai songé que ton départ sonnerait ma fin.
J'ai songé et j'ai eu peur.
Tellement peur que même ton coup de grâce ne m'a pas
suffisamment touché pour que je souffre mais je suis malgré tout restée clouée
au sol. Parce que j'étais terrorisée à l'idée de te perdre à nouveau et que je
ne m'en étais rendue compte qu'au pire instant. Tu avais gagné mais je n'étais
pas sûre de vouloir te pardonner.
Mon corps s'enfonce un peu plus dans la couche glaciale,
j'entends tes pas furtifs t'amener jusqu'à ma dépouille froide mais je ne lève
même pas les yeux pour te regarder en face.
L'esclave ne doit jamais fixer son maître dans les yeux.
La Haine ne croisera jamais le regard de l'Amour.
Tu t'allonges à mes côtés dans mon tombeau de neige, ton
corps brûlant se pose contre le mien et des frissons parcourent mon échine.
- Tu penses trop
Je tourne la tête. Tu souris avec tes lèvres fendues et
ensanglantées, avec tes yeux noirs embués de larmes. Que je l'aime ce sourire,
je l'aime comme on aime un ennemi. Tes cheveux d'ébène, trempés de sang,
retombent sur mon épaule, l'hémoglobine coule encore sur tes mèches ténébreuses
et se mélange à la blancheur de la neige ainsi qu'à ma crinière d'or terni.
- Je te hais.
Les mots avaient fuis hors de mes lèvres mais je ne les
regrettais pas, ils étaient trop vrais pour cela. Tu éclate de rire, comme si
mes paroles auraient été amusantes et banales :
- Dans ta bouche, cette déclaration sonne différemment.
Mon cœur se serre, blessé. Tu me connais trop, mes dires
haineux sont des déclarations d'amour à tes oreilles et mes regards noirs
pétillent comme deux pupilles attendries par ton sourire.
- Et si je te dis que je t'aime ? soufflai-je, presque avec
ironie
Ton visage se rapproche du mien et, durant une folle
seconde, mon pouls accélère au rythme de mon organe vital. L'envie brusque de
plaquer tes lèvres contre les miennes me fait haleter et, lorsque ta bouche sur
pose sur ma bouche, je bénis le froid qui m'empêche de t'emporter dans mes
bras.
Notre baiser, le premier depuis six mois, a le goût sucré du
désir et celui, enivrant, de la tentation. Tes doigts filent le long de mon
visage, de mon cou, de ma poitrine, de mon ventre, de mes hanches. Mon corps
figé s'incendia brutalement, irradiant chacun de mes sens, le souvenir de nos
nuis d'autrefois m'envoie des échos assourdissant qui brisent les digues de ma rancœur
défaillantes.
Mes mains se refermèrent sur tes courbes.
La neige
recommence à tomber.
Mais mon tombeau
solitaire est devenu un lit de débauche à tes côtés
Le couvercle de
mon cercueil devint un drap de satin
Et le linceul prit
la blancheur de tes mains.
La Mort dansait
toujours autour de moi
Mais sa faux ne
battre l'air autour de toi
La Vengeance
courbe l'échine sous tes caresses
Et le Pardon
s'allonge à nos côtés, plein de tendresse
Brûlons encore,
moquons-nous du froid
Illuminons la nuit
et brisons toutes les lois
Nos corps dominent
les simples passions
Nos âmes jouissent
de l'antique déraison.
Deux louves
dansent ce soir là
Deux cœurs
s'enfuient dans l'au-delà
La Haine et
l'Amour s'étreignent dans les flammes.
Le Coeur Mort et
l'Aigle Noir meurent dans les larmes...
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