Lucy – T’es une vraie Bisounours, toi, en fait.
Nina – Pourquoi tu dis ça ?
L – Tu es contre tout les trucs qui dénigrent ou rabaissent
certaines communautés ou catégories de personnes.
N - C’est normal, non ? Qui suis-je pour dire aux gens
comment être et comment vivre ?
L – Oui mais tu es d’accord avec moi pour dire que les
racistes, homophobes, misogynes, xénophobes et autres sont des cons finis. N’est-ce
pas là une forme de rejet alors que c’est leur droit le plus élémentaire de ne
pas aimer tel ou tel type de personnes ?
N - Si, c’est une forme de rejet car je dénigre leur haine
ou leur peur parce que je ne la comprends pas.
L - Donc tu fais exactement la même chose qu’eux mais envers
une autre catégorie.
N – En quelque sorte mais j’assume ce rejet car je ne peux
comprendre des personnes qui refusent aux autres leur droit de vivre leur vie
au nom de leurs propres préjugés. Je les rejette car ils hiérarchisent les
humains selon des critères qui leur sont propres et au nom d’une logique qui m’échappe,
je les rejette parce que leurs mots sont plein de haine brute.
L – Pourtant, tu m’as avoué que, quand tu étais gamine, tu étais
persuadée que les hommes et les femmes étaient radicalement différents, que c’était
bizarre d’être homo ou trans et que les populations se valaient pas.
N – Je le croyais car nous vivons dans une société où l’on
nous impose des normes, où nous devons, une fois l’âge adulte atteint, rentrer
dans la case qui nous a été attribuée. On nous fait comprendre qu’être dans la
norme garantit le bonheur et la popularité, que c’est mieux d’écouter ce que
nous dit la télévision et d’abandonner son cerveau dans un coin. En grandissant
et en me rendant compte de mes propres différences, j’ai compris que cette base
sur laquelle repose notre société était bancale car elle n’accorde ses privilèges
qu’à ceux qui suivent sa loi.
L – Comme la religion ?
N – En quelque sorte. Tu vois, j’étais une fille mais j’adorais
porter des treillis et des rangers, jouer aux jeux vidéos et au foot, rouler
des mécaniques et tout ça. Je regardais les autres filles passer et je les
trouvais belles et désirables, je regardais les garçons aussi. En fait, je me suis
rendu compte que je me moquais totalement de leur enveloppe extérieure, ce qui
m’attirait, c’était leur personnalité. C’était ça l’important, c’est quelque
chose que nous possédons tous. Nous ne pouvons juger une personne que sur son
existence et non sur son essence car il ne choisit pas cette dernière. Comment
puis-je rejeter un homme noir alors qu’il n’a pas choisit cette couleur de peau ?
Comment puis-je agresser une lesbienne alors qu’il n’y a rien de plus naturel
que d’aimer quelqu’un, qu’il soit du même sexe ou non.
L – Et les trans ?
N – Figure-toi qu’il n’y a pas si longtemps que ça, je suis
tombée amoureuse d’une transsexuelle. Extérieurement, c’était un garçon, il s’appelait
Pierre. Longs cheveux châtains, grand yeux bleus, taille moyenne. Mais je l’ai
toujours connu sous un pseudonyme féminin, elle s’était toujours déclarée femme
et s’est toujours ainsi que je l’ai connu et que je l’ai aimé. Le jour où elle
m’a avoué qu’elle était trans, je lui ai dit : « Oui, et alors ?
Ca n’a pas d’importance pour moi. Si tu es femme, alors sois femme, si tu es
heureuse en te sentant femme alors c’est l’essentiel. »
L – Surtout qu’avec tes allures de mecs, tu aurais été mal
placée pour la critiquer.
N – Ce n’est pas une question d’attitude ou d’allure. J’aimais
cette personne et j’aimais le fait qu’elle soit heureuse, en tant que femme ou
en tant qu’homme. Avant d’être un homme ou une femme, avant d’être un homo ou
une lesbienne, avant d’être un noir ou un blanc, avant d’être Arabe ou
Français, avant d’être de gauche ou de droite, tu es un être humain. Avec des
valeurs, des sentiments, des rêves et des espoirs. Tu es un être humain et tous
les êtres humains ont le droit au bonheur, sans avoir à subir discriminations
ou questionnements. Ce qui importe, c’est ça, c’est le bonheur, rien d’autre.
L – C’est bien ce que je disais, t’es une Bisounours.
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